14  Italie : l’investissement reste le moteur de la croissance

Perspectives 2025-2026, analyses pays

conjoncture
Italie
Europe
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliation
Benoit Williatte
Publié le

9 avril 2025

Modifié le

15 avril 2025

Graphique 14.1. Italie, principaux indicateurs économiques

Après une expansion lors du premier semestre (+0,5%), l’économie italienne a stagné à partir de l’été 2024 (+0,1%). La contribution négative du commerce extérieur a particulièrement marqué le troisième trimestre (baisse des exportations de 0,3%, importations en hausse de 1,2%), et a plus généralement représenté un frein à la croissance, contrastant avec la fin d’année 2023. Le revenu disponible brut réel des ménages a été dynamique durant la première moitié de 2024 (+2,1%), tandis que le taux d’épargne continuait à augmenter au-delà de sa moyenne pré-COVID (graphique 14.2). L’inflation a légèrement augmenté depuis l’été, restant néanmoins à des niveaux faibles (1,3% au quatrième trimestre 2024, contre 0,9% au deuxième trimestre) : la composante énergétique a exercé une pression à la baisse via les effets de base tandis les hausses de salaires (+3,3% sur l’année) ont vu leur effet inflationniste être modéré par la baisse du taux de marge des entreprises. Le ralentissement du revenu disponible, freiné par la contribution négative des transferts sociaux nets et la stabilité des revenus du patrimoine, a conduit à une stagnation du pouvoir d’achat des ménages durant le second semestre ; la baisse du taux d’épargne a néanmoins permis à la consommation des ménages de continuer sa progression (+0,9%).

Graphique 14.2. Taux d’épargne des ménages.

La formation brute de capitale fixe, dont la forte augmentation (+32,8% en 2024 par rapport à 2019) avait soutenu la croissance au fil des crises, s’est repliée tout le long de l’année, excepté au dernier trimestre (graphique 14.3). S’agissant de la construction, deux composantes de la politique budgétaire ont agit dans des sens opposés. D’une part, la très forte réduction du Super Ecobonus s’est traduite par une contraction de l’investissement en bâtiments résidentiels d’environ 8,5% (en volume) entre le pic du quatrième trimestre 2023 et la fin 20241. D’autre part, la mise en oeuvre de travaux publics dans le cadre du volet italien du plan de relance européen, malgré un rythme de dépense inférieur à celui prévu par le gouvernement italien, a permis à la construction non-résidentielle de connaître à son tour une forte croissance (+10,6%).

1 Le Superbonus consistait en un crédit d’impôt pour les travaux de rénovation énergétique (Super Ecobonus) et de résilience antisismique (Super Sismabonus) de logements, allant jusqu’à 110% du montant des travaux. Afin d’éviter que les ménages ne soient contraints par leur dette fiscale, les crédits d’impôts octroyés pouvaient être transférés aux entreprises ou aux banques. Le taux a été abaisse à 90% pour 2023, puis 70% et 55% en 2024 et 2025, et les crédits d’impôts ne sont désormais plus transférables. Le coût total du Superbonus a été estimé à 160 milliards d’euros, aux côtés d’environ 60 milliards dépensés dans le cadre d’autres dispositifs de soutien à la rénovation.

Graphique 14.3. Formation Brute de Capital Fixe, par type d’actif.

Bien que la croissance du PIB ait été modeste au second semestre, le taux de chômage italien a poursuivi sa baisse, atteignant un niveau historiquement bas en fin d’année (6,1% au quatrième trimestre, soit une baisse de 1,3 points de pourcentage depuis la fin 2023). S’il est vrai que le taux de participation a reculé en 2024 (-0.4 points de pourcentage) après avoir progressé durant les années post-COVID, cette baisse du chômage traduit surtout une poursuite des créations nettes d’emplois au cours de l’année (+ 275 000 emplois, salariés et non-salariés, et une hausse de 0,4 points du taux d’emploi). La bonne tenue du marché du travail reflète des pertes de productivité horaire (-0,3%), en particulier dans un secteur manufacturier souffrant des pertes de marchés, mais aussi une baisse de la durée moyenne du travail (-0.8% sur l’année dans le secteur marchand non-agricole). Celle-ci reste encore supérieure de 1,1% à sa moyenne d’avant-COVID, avec un écart particulièrement fort dans le secteur de la construction.

Malgré un affaiblissement de l’activité au second semestre 2024, la croissance économique devrait repartir en 2025 pour atteindre +0,8 % en moyenne annuelle. Tandis que la consommation des ménages continuerait à croître à un rythme modéré, le commerce extérieur n’apporterait aucune contribution nette, compte tenu de l’orientation actuelle de la politique commerciale des États-Unis. Bien que la croissance soit légèrement supérieure à son potentiel, une légère hausse du taux de chômage est attendue, en lien avec la fermeture du cycle de productivité en Italie, traduisant une moindre rétention de main-d’œuvre dans l’industrie.

A l’horizon de prévision, l’investissement et la consommation des administrations publiques seraient les composantes du PIB affichant les taux de croissance les plus élevés. La FBCF bénéficierait notamment d’un policy mix particulièrement favorable, entre baisse des taux directeurs et soutien par la politique budgétaire. Ce dernier se réaliserait malgré l’ouverture à l’été 2024 d’une procédure pour déficit excessif à l’encontre de l’Italie : en effet, les fonds du plan de relance européen devraient compenser en partie l’objectif d’amélioration du solde structurel d’environ 0,6 points de PIB par an2. Le scénario retenu en prévision est plus pessimiste que celui retenu par le gouvernement italien en Novembre 2024, qui prévoit l’utilisation complète des 137 milliards d’euros restants d’ici la fin de 20263 Néanmoins, nous anticipons une accélération des dépenses, d’environ 30 milliards d’euros par an en moyenne sur 2025-2026 (1,3% du PIB, graphique 14.4). Outre les incertitudes sur le commerce mondial ainsi que les projets d’augmentation des dépenses militaires en Europe, la capacité de l’Italie, et notamment de ses administrations locales, à assurer la mise en oeuvre des nombreux projets représente donc un des principaux risques dans notre scénario.

2 Notre scénario intègre également une augmentation des dépenses militaires d’environ 0,15% du PIB en 2026, qui ne serait pas comptabilisée dans la cible d’ajusement structurel.

3 Au total, 194,4 milliards d’euros sont alloués à l’Italie dans le cadre de Next Generation EU. Notons que sur les 57,7 milliards de dépenses réalisées, 14 sont attribuées au Superbonus.

Graphique 14.4. Trajectoires de dépenses du fonds de relance européen
Tableau 14.1. Prévisions 2025-2026 pour l’Italie
en %
2024
2025
de 2024t3
à 2026t4
2024
2025
2026
T3 T4 T1 T2 T3 T4
PIBa  0,0  0,1  0,2  0,2  0,3 0,2
0 0.34 0 0% 0,1% 0,2% 0,2% 0,3% 0,2% 0,2% 0,2% 0,2% 0,2%
  0,5   0,8   0,9
PIB par habitanta −0,0  0,1  0,3  0,2  0,4 0,2
0 0.36 −4.9E−03 0% 0,1% 0,3% 0,2% 0,4% 0,2% 0,2% 0,2% 0,3% 0,3%
  0,5   0,8   1,0
Consommation ménagesa  0,6  0,2  0,2  0,2  0,2 0,1
0 0.64 0 0,6% 0,2% 0,2% 0,2% 0,2% 0,1% 0,2% 0,2% 0,2% 0,1%
  0,4   0,9   0,7
Consommation publiquea  0,3  0,2  0,6  0,5  0,4 0,5
0 0.60 0 0,3% 0,2% 0,6% 0,5% 0,4% 0,5% 0,2% 0,2% 0,2% 0,3%
  1,1   1,8   1,3
FBCF totalea,b −1,6  1,6  0,9  0,3  0,3 0,3
0 1.61 −1.59 -1,6% 1,6% 0,9% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,4%
  0,0   1,5   1,2
Exportationsa,c −0,3 −0,2  0,2  0,1  0,1 0,2
0 0.40 −0.32 -0,3% -0,2% 0,2% 0,1% 0,1% 0,2% 0,2% 0,2% 0,3% 0,4%
 −0,3  −0,4   0,9
Importationsa,c  1,2 −0,4  0,2  0,2  0,1 0,2
0 1.16 −0.38 1,2% -0,4% 0,2% 0,2% 0,1% 0,2% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3%
 −1,5   0,8   1,0
Demande intérieurea,d,e  0,1  0,5  0,4  0,3  0,3 0,2
0 0.50 0 0,1% 0,5% 0,4% 0,3% 0,3% 0,2% 0,2% 0,2% 0,2% 0,2%
  0,4   1,2   0,9
Variations de stocksa,e  0,0 −0,4 −0,2  0,0  0,1 0,0
0 0.10 −0.44 0% -0,4% -0,2% 0% 0,1% 0% 0% 0% 0% 0%
 −0,2  −0,1   0,0
Commerce extérieura,c,e −0,4  0,1  0,0 −0,0 −0,0 0,0
0 0.053 −0.42 -0,4% 0,1% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0%
  0,3  −0,3  −0,0
Inflationf  1,2  1,3  1,6  1,6  1,6 1,6
0 1.70 0 1,2% 1,3% 1,6% 1,6% 1,6% 1,6% 1,6% 1,7% 1,7% 1,7%
  1,1   1,6   1,7
Taux de chômageg  6,3  6,1  6,3  6,3  6,4 6,5
0 6.53 0 6,3% 6,1% 6,3% 6,3% 6,4% 6,5% 6,5% 6,5% 6,5% 6,5%
  6,6   6,4   6,5
Solde couranth   1,4   1,6   1,7
Déficit publich   3,4   3,4   3,2
Dette publiqueh 135   137   139  
Impulsion budgétairei  −4,0  −0,2  −0,1
Sources : IStat, Eurostat, prévision OFCE avril 2025.
a En volume, aux prix chaînés. b FBCF : Formation Brute de Capital Fixe ; APU : Administrations Publiques. c Biens et services. d Demande intérieure hors variation de stocks. e Contribution à la croissance du PIB. f Evolution de l'indice des prix de consommation harmonisés (IPCH, sauf USA et France IPC). Pour les trimestres, glissement annuel (T/T(-4)) des prix. Pour les années, croissance moyenne annuelle des prix. g Au sens du BIT, en % de la population active. Pour les trimestres moyenne trimestrielle, pour les années, moyenne annuelle. h En % du PIB annuel, en fin d'année. i Variation annuelle du déficit public (APU) primaire structurel, en points de PIB.